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La présente année 1989 marque pour Cantley l'obtention de son indépendance. Par bonheur, elle marque aussi le centième anniversaire de l'incorporation de la municipalité de Hull-Est, en 1889, dont Cantley formait la principale partie. L'invitation à célébrer simultanément ces deux événements crée un urgent besoin d'écrire l'histoire de Cantley.
Les notes qui suivent ont été recueillies à la hâte dans le but de présenter une ébauche du projet. Cette publication hâtive et non exhaustive poursuit plusieurs objectifs:
Quiconque possède du passé de Cantley un souvenir propre à enrichir notre histoire est incessamment prié de se joindre aux passionnés recherchistes bénévoles en écrivant ou en téléphonant au bureau municipal (827-3434).
Pour le matériau qui constitue la base de cette première esquisse historique, nous sommes redevables à plusieurs personnes:
Lectrices et lecteurs se souviendront que ce n'est là que le commencement de l'histoire de Cantley. Les plus belles pages resteront encore à écrire.
Bob Phillips
La Grange,
Cantley,
septembre, 1989
En 1830, c'était un lieu-frontière du Canada.
Le village de Hull, déjà âgé de 30 ans, croissait lentement avec ses moulins et ses magasins, desservant les fermes qui se développaient tout autour dans l'Outaouais. Le peuplement s'étendait à Aylmer et Pointe-Gatineau (d'abord nommé Waterloo, nom que la population française abandonnera). Le futur Ottawa n'était guère plus qu'un camp de construction pour le canal Rideau en chantier, dont le colonel By pressait l'achèvement en vue de l'inauguration prévue pour l'année suivante.
La rivière des Outaouais avait constitué une route très fréquentée tant pour les Amérindiens que pour les explorateurs européens depuis que Champlain, en 1613, en avait balisé le tracé. Soixante-dix ans plus tard, Nicolas Gatineau, notaire aux Trois Rivières, s'aventura sur la rivière qui porte aujourd'hui son nom. Il fut peut-être le premier européen à voir le site de Cantley; malheureusement il se noya dans les traîtres rapides de la Gatineau avant de pouvoir raconter ses aventures.
Deux siècles passeront avant qu'il n'arrive quelque chose d'important dans Cantley. Vers la fin de la construction du canal Rideau, le colonel By, en signe d'appréciation pour leurs mérites, distribua des terres de la Couronne à quelques-uns de ses adjoints. On dit que l'un de ceux-là reçut une large bande de territoire sur la rive est de la basse Gatineau. C'était le colonel Cantley, l'un des lieutenants les plus hauts gradés du colonel By, ce qui laisse supposer l'importance du site. Tel est le cas encore aujourd'hui.
Cantley était né.
On croit que le colonel Cantley, un officier de l'armée anglaise, avait combattu à la guerre de 1812 et apparemment demeurait dans la colonie au moment où le colonel By requerra son aide pour la construction du canal Rideau, en 1826. Nous ne connaissons pas la date exacte de son arrivée à Cantley, mais apparemment c'est au début des années 1830 qu'il s'y installa, sur le lot 9b du rang XIV, avec son brosseur devenu forgeron du nom de Johnston.
L'endroit était déjà connu sous le nom de "Hamilton Neighbourhood", probablement en l'honneur de la famille de William Hamilton, celui qui réalisa le premier recensement de la ville de Hull en 1842. Dans les années 1840, la maison du tandem Cantley-Johnston faisait partie de la ferme de James McClelland. C'est là, dit-on, que le colonel Cantley mourut. Sa tombe, dépourvue de toute inscription se trouverait dans le verger des McClelland. Malheureusement, on en ignore l'endroit précis. Le nom du colonel Cantley se conserva grâce à notre premier bureau de poste, érigé en 1857 et baptisé du nom de Cantley. Il est intéressant de noter que le premier maîtreposte fut ce William Hamilton qui avait déjà donné son nom au territoire.
Le colonel Cantley, toutefois, ne fut pas le premier homme à fouler le sol de Cantley. L'on dit qu'Andrew Blackburn arriva avec ses deux fils en 1829. En 1830 James Brown et Dominic Fleming arrivèrent d'Irlande. Thomas, le premier fils de James Brown est le premier enfant que nous savons être né dans la municipalité de Hull Est. Howard, le fils de Tom, habita la ferme paternelle jusqu'à ce qu'il la vendit à René Prud'homme en 1950.
Dominic Fleming, le premier des quatre frères qui vinrent d'Irlande avec leurs familles, était maçon. Il édifia les fondations de l'actuelle église Ste-Élisabeth ainsi que celle de plusieurs maisons familiales de Cantley.
Thomas Kirk vint de Gatineau peu après les Blackburn et comme eux obtint du terrain des deux côtés de la rivière, aux rares endroits où le courant était faible. (C'était 90 ans avant que les barrages hydrauliques ne changent le visage de la rivière.) Là avec un chaland il assura une "traverse", appelée Kirk's Ferry, qui fut pendant longtemps un lien important entre Cantley et le monde extérieur. Le courrier arrivait à Cantley et repartait par traversier au moins jusqu'à la construction du premier pont à péage d'Alonzo Wright en bas des rapides de Farmer en 1866. (Ce pont a été emporté puis reconstruit en 1878, brûlé et reconstruit en 1902 et beaucoup amélioré dans les années 1960.) Au début, le traversier était actionné à la rame, mais plus tard Kirk a bâti une toue (remorquable). Le terminus de Cantley donnait sur le chemin Prud'Homme (longtemps appelé le chemin Ferry), juste au nord de l'embouchure du ruisseau Blackburn. Christopher Fleming a lui aussi opéré un traversier tout près jusqu'à la construction des barrages d'hydro, même si Gourlay rapporte que la circulation avait beaucoup diminué au tournant du siècle. Ce fait historique a pesé lourd dans le choix du bateau remorqueur, en 1989, pour le logo de Cantley.
La renommée de Cantley a dû se répandre assez rapidement, puisque les années 1840 montrent une arrivée constante de nouveaux colons, surtout d'origine Irlandaise catholique, avec des noms comme Barrett, Birt, Blanchfield, Boone, Burke, Cashman, Dean, Easy, Foley, Fraser, Gardiner, Holmes, Hogan, Kherny, Langford, Lynott, Maloney, McDermott, McClelland, McNeil, McAlinden, Milks, O'Keefe, Shea, Shields, Smith, Storey, Sullivan et Thompson. D'Écosse vinrent les Blackburn, les Clark, les Elder, les Gow, et William Strachan qui traversa la rivière Gatineau sur une bille de bois à partir de Cascades.
Les Archives nationales conservent quelques récits relatant le courage et le dur labeur des pionniers. En 1847 Daniel Holmes, venant d'Irlande, mourut en route du choléra et fut inhumé à Québec. Son fils Paddy, 20 ans, prit en charge sa mère et le reste de la famille et compléta le voyage. Ils naviguèrent jusqu'à Montréal. Là, sur un autre bateau, après avoir franchi maints portages, ils atteignirent Ottawa. Arrivés dans la soirée, ils passèrent la nuit dans un hangar situé près de l'actuel Centre national des conférences.
Le lendemain, la famille avec tous ces biens se rendit à Hull à pied en empruntant le pont qui longe l'actuel complexe Eddy. De là, après une marche pénible, ils atteignirent Ironside où ils prirent un traversier pour franchir la Gatineau, avant d'entreprendre la dernière étape vers leurs nouvelle terre.
L'Annexe A présente une liste des premières familles de Cantley, et l'Annexe B, des plus vieilles maisons.
À la fin du siècle, l'historien J.L. Gourlay pourra parler "d'une route moyennement passable" sur la rive est de la rivière, "sans aucun pont jusqu'à sa source excepté l'unique pont qui aboutit sur la propriété de M.Alonzo Wright". Il poursuit: "Les gens pensent qu'il serait trop cher de construire des ponts, même s'ils s'avéraient de première nécessité. Le gouvernement du Québec est tellement avare que tout revenu escompté ne pourrait satisfaire qu'à moitié sa cupidité... Rien d'important ne peut être obtenu pour les routes et les ponts..."
On ne peut pas compléter cette partie de l'histoire de Cantley sans dire un mot d'Alonzo Wright dont la deuxième demeure est préservée à l'intérieur de l'édifice principal du collège Saint-Alexandre, à Limbour. Ce qui nous intéresse davantage ici, c'est la première maison en bois rond où les Wright ont vécu jusqu'au moment où Mme Wright a obtenu la maison plus spacieuse qu'elle souhaitait. La maison originale, après certaines vicissitudes, à été sauvée par les Weber et préservée sur leur propriété au sud-est de Cantley.
Vers le milieu du XIXe siècle, il y avait tellement de familles que Cantley connut un urgent besoin d'écoles. La première se trouva sur la ferme de Thomas Brown, dans laquelle Mme Blackburn enseigna quelques heures par jours moyennant certains services sur sa propriété. Paddy Holmes, qui avait prospéré, après un si pénible début de sa vie canadienne, donna un terrain pour une école plus au nord. La première chapelle catholique romaine construite en 1858 joua aussi le rôle d'école.
En 1881, les Protestants formèrent leur propre commission scolaire. Une seule personne enseignait une partie de l'année dans les deux écoles. L'une se trouvait sur le chemin River, légèrement au nord de l'actuelle maison d'Arthur Pomeroy. L'autre, construite "en bois rond", se trouvait en face de l'église St. Andrew. Il n'y avait ni pupitres ni chaises, les élèves s'assoyant sur de longs bancs avec leur ardoise sur les genoux. Les jeunes, qui habitaient entre les deux écoles, purent profiter de l'éducation scolaire la plus grande partie de l'année.
Quand ces bâtiments furent rasés par le feu, l'on bâtit une école près du cimetière protestant, sur un terrain que William Thompson avait donné. Les locaux devaient servir aux offices des Anglicans et des Méthodistes. L'édifice brûla le matin même de son ouverture en septembre 1899.
Alors la famille Brown donna un terrain sur la présente 307, au sommet de la colline près du chemin Ste-Élisabeth. C'est là que, pour la somme de 90$, Henry Easy construisit une école prête pour la fin de l'année. L'on gratifia son contrat de deux dollars supplémentaires. À cette époque, les constructions scolaires étaient expéditives et de piètre qualité. L'école en question, cependant, tint le coup jusqu'à la réorganisation scolaire en 1959.
La principale école catholique n'était pas loin de là, sur le chemin Ste-Elisabeth au coin de la 307. En 1868 et en 1869 on a construit, l'une après l'autre, deux écoles près de la barrière d'Ambrose Birt sur la première colline du chemin Burr dans le rang XII; l'école Barrett (1864?) était dans le rang X; et, en 1870, une autre école a été ouverte à Wilson's Corners. Elles ont toutes été fermées en 1957 suite à la construction d'une école centrale près de l'église au coût de 80 000$. Fait intéressant, cette école a été financée en bonne partie par la Compagnie "Gatineau Power" qui en a acheté la plupart des obligations quelques années seulement avant d'être nationalisée et de devenir Hydro-Québec.
Dans les premières années de Cantley, les Irlandais croyants eurent à souffrir pour leur pratique religieuse. Leur église la plus proche se trouvait à Chelsea.. Excepté en hiver, ils devaient voyager jusqu'au bout du chemin Prud'homme pour prendre le traversier de Thomas Kirk avant de couvrir le dernier long trajet jusqu'à l'église St. Stephen. L'on pouvait économiser un billet de "traverse" si l'on avait l'audace de marcher sur les billes flottantes; c'est ainsi qu'une maman osa traverser en portant sa petite fille pour aller la faire baptiser. En hiver, avec un cheval et un traîneau, le trajet pouvait s'effectuer tout d'une traite de sa porte jusqu'à la porte de l'église, en passant sur la rivière gelée par un sentier balisé de branches vertes.
La situation s'améliora en 1858, quand une chapelle fut construite sur un terrain offert par Michael Shields, petite propriété qui s'agrandit plus tard par des dons et des achats. En 1868 Cantley franchit une étape importante de son histoire avec sa séparation ecclésiastique de Hull Ouest et avec la nomination du Révérend Patrick McGoey comme premier prêtre, ainsi qu'avec la construction de l'église de Ste Elisabeth.
Le père McGoey construisit la maison "Hector Milks" sur la 307 un peu au sud du chemin Ste-Élisabeth ; elle est depuis longtemps reconnue dans l'Outaouais comme l'un des plus beaux spécimens d'architecture domestique. L'église Ste-Élisabeth présentait un ensemble structural bien proportionné avec une finition intérieure de belle facture. Elle était beaucoup redevable aux générosités de William Butler Eddy et d'Alonzo Wright. Ce n'est qu'en 1947 que l'église et les bâtisses annexes furent électrifiées. Malheureusement l'intérieur de l'église souffrit beaucoup des rénovations effectuées dans les années 1960.
Les premiers marguilliers furent John Fleming, John Morris et Maurice Foley. Depuis sa fondation le conseil de fabrique était presque entièrement anglophone: vers 1949 il n'y avait encore que 16 familles sur 58 dont la langue maternelle est le français.
En 1900 débuta la construction du presbytère, dessiné par l'architecte bien connu Canon George Bouillon, qui dressa aussi les plans de la chapelle du couvent Rideau, maintenant dans la Galerie nationale du Canada. Par malheur, en 1916, le presbytère fut frappé par un éclair et détruit par le feu... et le malheureux père O'Toole avait oublié de payer la prime d'assurance. L'on réussit à sauver l'église, grâce aux efforts de toute la population du village, y compris du ministre presbytérien. L'on acheva la construction d'un nouveau presbytère l'année suivante. Les matériaux avaient été acheminés à Kirk's Ferry par train, puis transbordés sur une barge pour la traversée de la Gatineau. Maintenant le presbytère est loué, et le curé habite à Chelsea comme cela se passait 130 ans auparavant. Mais aujourd'hui le trajet est plus facile.
En 1876 James McClelland céda le coin nord-ouest de sa ferme pour une église presbytérienne dont le premier pasteur fut William Findlay. L'on acheva la construction de l'église l'année suivante et elle fut administrée à partir de l'église St. Andrew d'Ottawa. Louis Levasseur de St Pierre-de Wakefield fit de la chaire une oeuvre d'artisanat. Quant aux bancs, ils furent payés par les économies des travaux de couture des "Ladies' Aid". En 1950, l'on remplaça les murs intérieurs de plâtre par des planches bouvetées. Les premiers "aînés" furent David Blackburn, John Storey, John Patterson et John Stevenson. En 1925, sans que la communauté locale eût à se prononcer, l'église St. Andrew devint membre de la nouvelle Église Unie du Canada.
Le centre industriel d'avant-garde des rapides Farmer (Limbour) constitua une chance pour la première croissance de Cantley. Tiberius Wright loua sa ferme de 2 000 acres de Gatineau Falls (maintenant Limbour) à William Farmer pour la somme de 200 livres par an avec une option d'achat de 4 000 livres sur 10 ans. Farmer vint d'Angleterre sur son propre navire amenant avec lui sa famille, 54 fermiers, des hommes de métiers et des manoeuvres, des animaux domestiques, de la machinerie, des outils et des meubles. Ils atteignirent la Gatineau à la fin de 1834.
Douze ans plus tard, il y avait un moulin, opéré par Andrew Main, un usine, une cantine, une maison de contremaître et 13 maisonnettes. Aux environs de 1859, il y avait un autre moulin sur le lot 1b du rang XI, évalué à 1 200$. Ses deux scieurs débitaient chaque année près de 80 000 pieds de planches. Le moulin Blackburn sur le ruisseau Blackburn se trouvait probablement sur le chemin Ferry (maintenant chemin Prud'homme). Le moulin à scie et à grains de M. McNeil le remplacera par la suite. Quant au ruisseau, non seulement il alimenta plusieurs moulins mais aussi pendant plusieurs années il servit au flottage du bois. Parmi les opérateurs des premiers moulins à scie de Cantley il faut mentionner Alf et Mervyn Hogan (chemin Connor), Anthony Milks (chemin 307, au sud du chemin Ste-Élisabeth), Walter McNeil (sur le ruisseau Blackburn, sur le chemin Mont-Cascades, près de la résidence actuelle de Tom Fleming).
À partir de 1885, l'on ouvrit plusieurs mines de mica et de phosphate. Les plus importantes furent la mine Dacey sur le chemin Holmes et plus tard la mine Blackburn, près du ruisseau Blackburn, laquelle employait plus de vingt hommes sur deux périodes de relève par jour. L'effectif atteignit 60 pendant la deuxième guerre mondiale. On disait que le meilleur mica en Amérique du nord provenait de Cantley. La demande de mica pour les portes de poêles diminua mais les mines continuèrent à en produire principalement pour la fabrication de lubrifiants, jusqu'après le milieu du siècle. Bien que l'industrie minière n'existe plus, de gros morceaux de mica continuent à se trouver sur les sols de Cantley.
À Cantley, comme dans le reste du Canada, la principale source de revenu minier venait du sable et du gravier pour la confection des routes locales et pour la construction. Bien que certaines sablières soient épuisées, l'extraction du gravier continuera longtemps à occuper une place importante.
Entre les années 1925 et 1927, le projet hydro-électrique sur la rivière Gatineau restera, de beaucoup, la plus importante entreprise industrielle de Cantley.
Le barrage des rapides Farmer et plus particulièrement celui de Chelsea, un peu en amont, auront définitivement affecté le cours d'eau sur presque toute la longueur de Cantley. Avant les barrages, la Gatineau avait la réputation d'une rivière féroce, traître, farcie de chutes pittoresques et de dangereux rapides. Brusquement elle devint, en sa partie inférieure bordant Cantley, un cours d'eau large et paisible, constituant un endroit idéal pour la récréation des gens, n'eût été du flottage du bois.
Contrairement au futur aménagement de la voie maritime du St Laurent, la préparation des espaces à inonder fut bien médiocre. Quelques sections de la voie ferrée, qui s'étendait de Hull à Maniwaki, sur la rive ouest durent être relocalisées. Mais les arbres, les bâtiments et autres structures furent en grande partie laissés sur place indéfiniment dans les nouveaux fonds de la rivière. Comme le rapporte une légende locale, les travailleurs d'une mine de mica, à leur habitude, suspendirent leurs outils et leurs vêtements de travail un vendredi après-midi, et à leur retour le lundi matin ils trouvèrent un lac. Des rumeurs courent encore à l'effet que l'on verrait certains de ces restes fantomatiques.
Le flottage du bois sur la rivière elle-même est presque aussi ancien que le peuplement qui la borde. C'est une importante industrie locale qui emploie plusieurs bateaux-remorqueurs, et des centaines d'hommes chargés de rompre les embâcles et de décrocher des berges les billes capricieuses.
Chacune des millions de billes devait être frappée de la marque de la compagnie propriétaire. À Pointe-Gatineau, jusqu'au cours des années 1960, les draveurs sur les longues poutres reliées par des chaînes ("booms"), répartissaient les billes selon les propriétaires, poussant chacune dans le canal approprié à destination de son moulin. Une décision d'Eddy de ne plus utiliser la Gatineau, rendit le procédé caduc.
Une fois les barrages construits à Low et aux rapides Farmer, il fallut aménager des glissoires de plus d'un mille de long pour permettre aux billes de franchir les obstacles le long des barrages. Le paysage changea quand la main d'oeuvre devint plus coûteuse après la deuxième guerre mondiale. L'on trouva de bonnes raisons pour abandonner le transport du bois par eau. On préféra le réduire en copeaux et l'expédier vers les cours de stockage par camions ou par camions et trains jusqu'aux moulins de rivière des Outaouais. La brusque escalade des prix du pétrole tua le projet à sa naissance, et l'abandon du chemin de fer en deçà de Wakefield au milieu des années 1980 mit fin au projet d'utiliser les wagons des trains. Actuellement, on maintient sur la rivière une main d'oeuvre de 50 ouvriers travaillant sur une vingtaine de bateaux remorqueurs. Plus de 400 000 cordes de bois passent devant Cantley chaque été. Il s'agit de l'une des rares rivières au Canada où se fait encore le flottage du bois.
Bien que Cantley ne puisse être reconnu comme la meilleure terre arable du Québec, l'on trouve cependant de beaux champs, arrachés aux collines rocailleuses, qui ont produit une culture mixte capable de stabiliser l'économie dès le début. Cantley est encore réputé pour ses excellents champs de petits fruits comme les fraises et les framboises.
Cantley est même mieux connu pour ses collines transformées en pentes de ski au Mont Cascades dans les années 60 et 70. Les activités récréo touristiques et la villégiature apparaissent comme les nouvelles industries que Cantley doit protéger contre les projets de dépotoirs.
En 1986, Cantley entra dans l'ère de l'information révolutionnaire: sur la montagne au bout du chemin St. Andrew's le Centre canadien de télédétection y ouvrit la station satellite de Gatineau. Deux immenses antennes paraboliques peuvent capter les images de la terre émises par un satellite distant de 571 milles, parcourant l'espace à la vitesse de 6 kilomètres à la seconde. Cantley peut avoir un instantané de la glace d'un port dans l'Arctique, d'un désordre d'usine nucléaire ou d'un feu dans la forêt brésilienne.
Revenons sur le sol de Cantley. Alexandre Prud'homme, le premier maire de Hull Est, tint le premier magasin général sur la route 307, juste au nord du chemin River. Selon le rôle d'évaluation de 1875, ce magasin était alors la propriété de John Cox, lequel y tenait également une taverne. Dans ce secteur, il se trouva, à un moment ou l'autre, des magasins et des bureaux de poste gérés par Ernest Poulin, M. Routhier (qui malgré sa jambe de bois livrait le courrier), M. et Mme Demers (nièce de M. Routhier), Jimmie et Mamie Barrett et Evelyn Hupé (qui depuis longtemps ont abandonné le magasin mais gèrent toujours le bureau de poste de Cantley).
À "Cantley proprement dit" (route 307 au sud du chemin St- Élisabeth), dès le début, il y eut un magasin tenu par Robert Brown, en même temps qu'une forge et une boutique de voitures à chevaux.
Le recensement de 1875 note que Richard Thompson avait aussi un magasin dans ce coin-là. C'est tout à côté que l'on a coutume de localiser la fameuse première forge. L'année centenaire de Cantley pleure la disparition de cette forge, dont on n'a même pas une photo. Orville McClelland, en 1942, acheta ce magasin et la résidence; il y ajouta l'actuel magasin qui s'appelle aujourd'hui en 1989 le magasin général de Cantley.
Un peu plus loin sur la route principale, il y eut des magasins appartenant à John Smith, près de l'église St. Andrew, et à James Cooper encore plus vers le nord. Peter McGlashan, qui avait d'abord opéré dans le "Cantley proprement dit", tint par la suite un magasin et un bureau de poste à Wilson's Corners, là ou Henry Wilson, dans les premiers temps, avait tenu boutique. Quatre générations de McGlashan ont maintenu ce commerce jusqu'à nos jours.
Vers les limites plus au sud de Cantley, juste au nord du "grand goulet" sur la route 307, il y avait un poste à essence et un magasin, tenus par Harry Cooper en 1952 et 1953. Danny et Marjorie Burke achetèrent ce commerce en 1958 et l'exploitèrent jusqu'en 1974; ils possèdent encore la résidence. La fille d’Harry Cooper, Judy Richard, ouvrit en 1983 le Dépanneur 307 au coin 307 et chemin Whissell.
Durant les 50 premières années, les habitants de Cantley n'avaient pas de pouvoir sur leurs propres affaires. Dans les années 1880 deux hommes en particulier travaillèrent pour l'autonomie: Robert Kerr et Thomas E. Barrett. Leurs efforts furent récompensés par la création de la corporation municipale de HullEst, incorporée le 12 septembre 1889. Voici ses limites: la rivière Gatineau à l'ouest, Wilson's Corners au nord, Templeton Ouest à l'est, et la voie ferrée de C.P. au sud. Des 70 milles carrés du territoire de la municipalité, 95% était encore rural.
Il y eut des élections le 16 octobre, et le nouveau Conseil tint se première réunion le 28 octobre chez James Davis.
Alex Prud'homme fut le premier maire et John Prud'homme, le secrétaire trésorier. Voici les noms des conseillers: Charles Ducerre, Daniel Birt, Robert Kerr, Patrick Maloney, Samuel McClelland et William McNeil. On trouvera la liste de tous les maires de Cantley dans l'Annexe C.
La tranquille coexistence entre les francophones et les anglophones se reflète dans les noms des représentants municipaux. L'écrasante majorité anglophone de la communauté élit, comme premier maire, un francophone respecté. Les noms d'origine française et anglaise se mélangèrent au bureau du maire jusqu'au jour où Hull-Est devint Touraine en 1966. Par la suite, tous les noms furent français.
L'on effectua le premier rôle d'évaluation en 1890; trois ans plus tard, on décida la construction de l'hôtel de ville. À partir du moment de la décision, huit mois suffirent pour acquérir le terrain, passer le contrat, compléter la construction et tenir la première assemblée du nouveau Conseil. Le terrain, qui se trouvait sur la route 307, un peu au nord du chemin River, avait été acquis de James Davis pour la somme de 10$. L'on promit 100$ à Alfred Laversier pour la construction de l'édifice; le Conseil honora la facture et lui ajouta un 5 $ supplémentaire.
Plus tard l'on déménagea l'hôtel de ville en face de l'actuel bureau de poste; il y demeura jusqu'au jour où Cantley perdit son édifice municipal en faveur de Touraine. En janvier 1964, le Conseil se réunit pour la première fois sous le nom de "Municipalité de Touraine" dans son nouveau bâtiment sur l'avenue Picardie. En 1971, le nom changea en "Ville de Touraine".
Quatre ans plus tard, Touraine et six autres communautés se fusionnèrent pour former la cité de Gatineau. Cantley devint une mince minorité de 7% de la population de la nouvelle grande ville.
C'était, pour ce qui regarde Cantley, une malheureuse décision, imposée par le gouvernement du Québec sans consultation locale. Non seulement Cantley sentit qu'elle perdait son sens d'identité, depuis longtemps bien ancré ( la nouvelle ville fit maints efforts pour éliminer peu à peu le nom de Cantley), mais ses intérêts ruraux furent submergés par le développement de la nouvelle ville. La conséquence immédiate la plus évidente fut la hausse rapide des taxes que Cantléens et Cantléennes durent acquitter non seulement pour les services d'aqueduc et d'égouts de Gatineau, mais aussi pour le financement sans fin de services urbains qui ne serviraient jamais aux résidants de Cantley.
L'insatisfaction mena à la formation, en 1983, du Comité du regroupement des contribuables ruraux, dont Bertrand Boily fut le président. Le comité lança une campagne efficace d'éducation populaire, basée sur des enquêtes locales sérieuses ainsi qu'auprès de municipalités comparables. Un appel auprès des résidents pour des dons montra un étonnant degré d'appui de la part de 90% de la population, mais le ministre des Affaires municipales se montra peu touché par ces représentations. En 1986, le comité du regroupement fut remplacé par le Comité des citoyens de Cantley, où, de nouveau, la majorité francophone travailla étroitement avec la minorité anglophone dans une lutte commune pour l'autonomie.
Sous les directions successives de Bernard Bouthillette et de Raoul Larocque, le Comité organisa des assemblées publiques d'information qui obtinrent une participation inespérée. Inconsciemment, Gatineau fournit alors à Cantley un argument plus sensible et plus puissant que celui des taxes.
En effet son projet d'implanter à Cantley un dépotoir régional s'avéra une idée désastreuse autant dans son propos que dans ses objectifs. Les citoyens se mirent à exprimer leurs frustrations de la manière la plus manifeste qui soit. Une première parade eut lieu sur la 307, en mars 1987.
D'autres manifestations suivirent incluant des parades ainsi que le dépôt de sacs d'ordures au bureau du maire de Gatineau. Plus de 150 citoyens retinrent leurs taxes, les déposant en fidéicommis jusqu'à l'obtention de réponses satisfaisantes aux doléances de Cantley.
Le 24 mai 1987, un référendum privé sur l'avenir de Cantley récolta 97 % de votes en faveur de l'autonomie. Par la même occasion, fut élu un conseil fantôme, avec Michel Charbonneau comme maire fantôme. Voir l'Annexe D.
Bien qu'à l'époque personne ne le soupçonnât, un espoir se fit jour à l'automne 1987, quand Québec confia à Jerémie Giles et à deux autres commissaires le mandat de recevoir et d'examiner les griefs et les aspirations des gens de Cantley. Le rapport Giles, paru en février 1988, se révéla entièrement sympathique à la cause de Cantley. Le ministre local Michel Gratton fit l'annonce solennelle de l'acceptation du rapport Giles le 29 mars 1988. Un référendum officiel eut lieu le 18 septembre 1988. En dépit d'une vigoureuse campagne d'un certain nombre d'opposants du sud de Cantley, l'autonomie l'emporta avec 80%. Le gouvernement du Québec tint promesse et une loi fut votée à temps pour rendre l'autonomie de Cantley effective le 1er janvier 1989.
Lors des premières élections municipales, tenues le 19 mars 1989, Bernard Bouthillette fut élu maire de Cantley. Les noms des autres membres du premier Conseil se trouvent à l'Annexe D.
Le nouveau Cantley couvre une superficie approximative de 130 kilomètres carrés à l'est de la rivière Gatineau, au nord de la ville de Gatineau et au sud de La Pêche et de Val-des-Monts. Sur la route 307, la limite sud se trouve à 300 mètres en amont du barrage d'Hydro Québec à Limbour en suivant généralement le chemin Taché. La limite nord coïncide avec Wilson's Corners. A l'ouest, c'est la rivière Gatineau; à l'est, la limite suit la Montée Paiement, le chemin du VIe rang et l'avenue Gatineau. Cantley longe la rivière Gatineau sur plus de 23 kilomètres.
Quelques données sur le Cantley d'aujourd'hui en provenance de Statistique Canada, basées sur le territoire approximatif de Cantley.
Population en 1986: 3735 personnes (1930 hommes et 1805 femmes)
Augmentation entre 1981 et 1986 de 21 %
moins de 20 ans: | 1 275 | (34 %) |
20-34 ans: | 1 030 | (28 %) |
35-54 ans: | 1 105 | (30 %) |
55 et plus: | 310 | (8 %) |
Les données suivantes sont tirées de Statistique Canada, Données régionales et administratives :
Revenu annuel ($): 37 millions par les contribuables, 31 millions en rétributions, salaires et commissions, 1,4 million seulement par des personnes à leur propre compte
Tandis que 1 525 Cantléens et Cantléennes ont un revenu d'emploi, 375 vivent de l'assurance chômage: une hausse de 36% en 5 ans. Durant la même période, le revenu moyen a augmenté au même rythme, soit de 15 000 $ à 20 300 $.
Environ 60 % des contribuables ont déclaré un revenu variant entre 15 000 $ et 50 000 $. Seulement 4% ont déclaré un revenu supérieur à 50 000 $.
Les premières familles de Cantley
[Extrait du recensement de 1842, réalisé par William Hamilton, selon l'année de leur arrivée (surtout de L'Irlande) au Canada]
* de l'Écosse
Les premières maisons de Cantley
Il n'existe de documentation sérieuse que sur quelques-unes des premières maisons de Cantley.
Pour déterminer les plus anciennes maisons de notre municipalité, il faut nous en remettre à la tradition orale.
Certaines d'entre elles sont encore situées sur leur emplacement d'origine alors que d'autres ont été déménagées.
A. Site d'origine.
La maison McDermott, située sur le côté nord du chemin Ste-Élisabeth, à environ 3 kilomètres plus loin que l'église, semble être la plus ancienne maison de Cantley. Même si la tradition veut que sa construction remonte aux alentours de 1813, ceci nous paraît peu probable car aucun colon ne s'est établi ici avant 1829 et M. Thomas McDermott n'est arrivé au Canada qu'en 1831.
La maison Milks, construite en 1866 est un point de repère bien connu à Cantley et celle dont l'architecture est la mieux conservée. Elle se trouve du côté de la route 307 non loin du bas de la pente qui mène au chemin Ste-Élizabeth.
La maison Blackburn, sise sur le côté nord du chemin River, à 2 kilomètres environ de la route 307 aurait été construite peu de temps après celle des Milks.
La maison Holmes, sur le côté est de la route 307, à 2 kilomètres à peu près, au nord du chemin Mont-Cascades, aurait, elle aussi, probablement été bâtie dans les années 1860.
La maison Hogan, sur le chemin Hogan a soigneusement été restaurée afin de lui redonner son aspect original des années 1870.
La maison Dean, située à environ 1 kilomètre de l'église, sur le côté nord du chemin Ste-Élisabeth, date de 1903.
B. Hors du site d'origine.
La Grange et cinq autres édifices en bois rond localisés sur la propriété Phillips, chemin Summer, datent de 1819 à 1867. On les a déménagés des environs de Carleton Place, de Carp et de Buckingham lorsqu'ils furent en danger imminent de démolition.
La maison Tibérius-Wright a d'abord été déménagée de son site original où se trouve aujourd'hui le Collège Saint-Alexandre à un emplacement près du coin sud-est du pont Alonzo-Wright. Les Weber l'ont sauvée en la déménageant à son site actuel. La maison date du début des années 1830.
Les maires de Cantley
Le conseil fantôme de Cantley, 1987-1988
Maire fantôme
Conseillers et conseillères fantômes
Le conseil autonome de Cantley, 1989-1992
Maire
Conseillers et conseillères
Auteur : R. A. J. Phillips
Traduit de l'anglais par : Marc-André Tardif
Le livre L'histoire de Cantley peut être emprunté à la bibliothèque municipale de Cantley.